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Plusieurs processus peuvent conduire à la ruine d'une
carrière souterraine. Parmi les paramètres les plus
déterminants qui influencent cette évolution, citons :
les caractéristiques naturelles du massif exploité, le
mode d'exploitation et la géométrie des cavités,
le taux de défruitement (pourcentage des vides par rapport
à la surface des pleins).
Les accidents peuvent être localisés ou
généralisés, progressifs ou brutaux.
Présentons quelques cas typiques de rupture, parmi ceux
rencontrés le plus fréquemment en région
parisienne :
Il s'agit des fontis. Ils naissent en général
à l'intersection des galeries, là où les
portées entre appuis sont les plus importantes. Cela commence
par un ciel tombé, c'est-à-dire la chute d'un banc qui
se détache du ciel de la cavité. Lorsque plusieurs
bancs se sont ainsi détachés successivement et que la
cavité est remontée dans les matériaux meubles
qui surmontent la roche exploitée, on parle de cloche de
fontis. La progression est alors souvent beaucoup plus rapide.
La manifestation en surface d'un tel phénomène est
très variable. Le foisonnement des matériaux
effondrés a tendance en effet à combler progressivement
la cavité qui remonte. L'évolution du fontis est donc
grandement fonction de la nature des matériaux en
présence de même que du rapport entre la hauteur du
recouvrement et la hauteur du vide initial (hauteur de la galerie
d'exploitation). Dans certains cas la venue à jour du fontis
peut donc se traduire par un effondrement brutal de plusieurs
mètres de diamètre (de quelques mètres à
25 ou 30 mètres) et d'une profondeur équivalente. La
cloche de fontis peut également se résorber avant
d'atteindre la surface, mais dans ce cas une modification du
régime des nappes souterraines ou d'autres
phénomènes peuvent activer de nouveau le processus et
conduire à un effondrement en surface.
Après l'exploitation souterraine, les charges naturelles
des terrains de couverture sont reportées sur les
éléments de soutènement qui subsisteront : les
piliers laissés en place, dans le cas des exploitations par
piliers tournés ou, dans le cas des carrières de
calcaire grossier par exemple, les bourrages, les piliers à
bras et les confortements maçonnés.
Pour les raisons évoquées précédemment,
les sollicitations mécaniques de ces éléments de
soutènement sont en général
élevées avec une distribution des contraintes complexe
et évolutive. Leur forte compression peut provoquer leur
dégradation par écaillage, fissuration et rupture
finale.
L'affaissement d'un pilier entraîne souvent une reprise des
efforts par les piliers voisins qui peuvent se trouver à leur
tour en limite de stabilité. Dans certaines configurations, la
généralisation d'une telle situation risque
d'entraîner un effondrement généralisé et
brutal qui peut concerner plusieurs hectares de carrières.
On peut considérer le radier d'une exploitation comme le
massif de fondation des piliers. Ceux-ci transmettent en
général des charges à la fois concentrées
et élevées.
L'assise des piliers peut ainsi être défaillante de
plusieurs manières : lorsqu'elle est fragilisée par un
autre niveau de galeries sous-jacentes, dans le cas fréquent
d'exploitation sur plusieurs niveaux, ou par des
phénomènes de dissolution ou de lessivage en cas de
venues d'eau ou de galeries partiellement noyées.
On observe également dans les carrières souterraines de
gypse, le poinçonnement de la planche résiduelle de
gypse laissé en radier, notamment lorsque celle-ci n'est pas
assez épaisse. Dans ce cas le pilier s'enfonce en perdant
rapidement son intégrité par expansion et
écaillage. Parallèlement, on constate un
soulèvement du plancher dans les galeries adjacentes, du fait
du développement de coins de poussée sous le pilier et
du fluage des marnes inter-bancs. On parle alors de "soufflage de
mur".
La rupture du radier entraîne donc à terme la ruine du
pilier, le mécanisme conduisant en général
à des désordres en surface.
On suppose identifié et évalué, au moins
approximativement, l'aléa lié aux carrières
souterraines. L'objectif est de définir la stratégie et
les méthodes de prévention les mieux adaptées au
problème.
On reprendra, dans l'exposé qui suit, le schéma retenu
à l'issue du séminaire sur les carrières
souterraines abandonnées de Nainville-les-Roches
(décembre 1993) : Atelier nº 2, stratégies et
méthodes de prévention.
Parmi les techniques de prévention dites actives, deux
stratégies se présentent, en première analyse :
combler les vides ou consolider les cavités.
Les techniques de prévention dites passives consistent
à agir sur l'ouvrage à protéger, et non pas sur
les cavités souterraines.
Enfin, on évoquera les techniques de suppression du vide
souterrain.
Elles consistent à intervenir au niveau des cavités pour éviter leur effondrement.
Le renforcement des piliers est une technique surtout
utilisée lorsque l'on souhaite conserver l'usage d'une
cavité.
On utilise en général la combinaison du béton
projeté et du boulonnage. Le frettage des piliers par des
câbles ou des barres métalliques est quelquefois
employé.
La réparation des piliers fortement endommagés (en
post-rupture) est délicate. On pourra utiliser dans ce cas un
chemisage en béton armé ou une virole métallique
remplie depuis la surface par un coulis fluide.
Le principe est de transmettre le poids des terrains sous-jacents
et des surcharges éventuelles au plancher de la
carrière.
La surface totale de piliers est fonction de la charge qu'ils ont
à supporter. Les piliers de renforcement doivent
représenter au minimum 20% de la surface de la construction
projetée, de laquelle on peut déduire les piliers
tournés existants.
Pour être efficace, un pilier de renforcement doit avoir une
déformabilité voisine de celle des piliers en
matériau naturel laissés par l'exploitation. Les
matériaux utilisés en général sont les
moellons ou les parpaings pleins liés au mortier de ciment.
L'IGC de Paris exige une résistance à
l'écrasement d'au moins 6 MPa.
Les dimensions demandées pour les carrières de Calcaire
grossier en région parisienne sont les suivantes :
Une attention doit être portée au sol support (ce
doit être le terrain en place, non remanié) et au matage
sous le ciel (clavage au mortier, après durcissement du
mortier d'assemblage du pilier).
La carrière doit évidemment être accessible, ou
rendue telle avec des conditions minimales de
sécurité.
Le coût est élevé en général
(beaucoup de main d'oeuvre) : entre 1000 et 1600F le m3 de pilier
maçonné suivant les conditions d'accès.
Ramené au m2 de construction en surface le coût peut
varier entre 1500 et 4500F le m2.
Le principe est d'armer et de rendre monolithique la masse
rocheuse en ciel pour la rendre capable de reporter le poids des
terres sur les piliers ou sur les flancs des galeries.
C'est notamment le cas d'un toit lié en bancs horizontaux.
Il convient de tenir compte de la corrosion pour le dimensionnement
du boulonnage : surdimensionnement du diamètre des boulons
métalliques ou adoption de boulons en fibre de verre.
Cette solution convient bien aux carrières occupées
puisque les volumes restent vides.
En fonction de la densité du boulonnage nécessaire
(nombre de boulons au mètre carré) et de leur longueur,
les prix peuvent varier grandement. Lorsqu'elle est applicable, c'est
une solution économique (ordre de grandeur de 350F TTC le
mètre linéaire de boulon fourni, posé).
Deux variantes :
Le béton projeté s'emploie lorsque la roche est
sujette à altération ou à desquamation : gypse,
craie.... Il s'applique au ciel ou sur les piliers. Il s'utilise en
général avec pose d'un treillis soudé.
L'épaisseur est de l'ordre de 15 cm.
Coût : 200 à 500 F TTC par m2 suivant les
sujétions de mises en oeuvre.
Le principe est de supprimer l'essentiel du vide souterrain par
mise en place de matériaux sans liant hydraulique. Ces
matériaux peuvent être variés et fonction des
opportunités : déblais criblés, terres de
fouille en provenance de gros chantiers voisins, stériles
miniers ...etc.
La mise en place s'effectue :
Il se forme un vide résiduel après tassement : le
clavage est nécessaire si l'on prévoit une construction
au dessus. Le clavage est réalisé à l'aide d'un
coulis de ciment mis en oeuvre à travers des forages
disposés entre les puits de déversements, après
essorage des matériaux. En cas de recherche d'une
stabilisation totale en surface, il convient de sélectionner
le matériau de comblement et son mode de mise en fonction du
tassement différé attendu.
Le clavage apparaît donc facultatif pour les espaces verts : on
peut tolérer un vide résiduel de l'ordre de 1/15 de la
hauteur du recouvrement.
Le coût est très variable en fonction des
quantités et des opportunités de matériaux
disponibles :
Le principe est d'assurer un certain frettage des piliers à
leur base, là où ils sont le plus fragile en
général, dans le cas de carrières de gypse.
Cette disposition réduit leur élancement et augmente
leur résistance.
Ce traitement a également pour effet de charger le radier et
de s'opposer ainsi à son soulèvement lorsqu'il y a
risque de "soufflage du mur".
Ce mode de comblement est adapté aux carrières
inaccessibles.
Les matériaux injectés sont des sablons ou des cendres
volantes traitées au ciment (quelquefois non traitées,
dans le cas d'espaces verts en surface, auquel cas il convient de
s'assurer que les matériaux ne risquent pas d'être
entraînés par des circulations d'eau).
Il convient de s'assurer de la comptabilité des
matériaux injectés vis-à-vis des contraintes
environnementales.
Il faut au préalable établir un barrage pour
circonscrire la zone à traiter. L'injection se déroule
ensuite en deux phases : emplissage gravitaire puis clavage (coulis
plus riche en ciment).
Les caractéristiques mécaniques du coulis doivent
être adaptées : l'ICG de Paris demande des
résistances à 90 jours de 2 à 2,5 MPa pour des
espaces verts en surface, de 4,5 à 5 MPa dans le cas de
constructions.
Un ordre de grandeur pour la densité des forages d'injection
est donné par les maillages ci-après : 3x3 m ou 4x4 m
sous une construction, 5x5 m à 6x6 m sous une voirie et en
périphérie de construction, 8x8 m à 10x10 m sous
un espace vert.
La pression d'injection est faible, de façon à
éviter de causer des désordres au voisinage : 0,1
à 0,3 MPa.
Le coût est très variable selon les chantiers. Il est
fonction du dosage en ciment des coulis, des quantités mises
en oeuvre, des facilités d'approvisionnement.
On ne peut donner qu'une fourchette : 200 à 1500F par m3 de
matériau injecté.
Un cas particulier est le traitement d'une zone effondrée.
Deux parties doivent être traitées :
Ce sont des actions au niveau de la construction ou de sa fondation destinées à la rendre insensible aux dégradations dues à l'évolution de la cavité. Ces techniques sont utilisées dans le cas de carrières inaccessibles ou considérées comme telles en raisons de conditions de sécurité insuffisantes et possédant un recouvrement d'épaisseur suffisante. Elles s'appliquent essentiellement aux constructions et ouvrages neufs.
Le principe est de rendre la construction quasi-monolithique :
chaînages, fondations superficielles renforcées. Les
fondations sont calculées pour répondre à une
condition de fontis définie selon l'expérience
locale.
Cette solution est en principe réservée aux cas de
petits vides dont la répartition est inconnue : karst,
marnières, sapes, sites imparfaitement remblayés,
foisonnés ou décomprimés.
Le principe consiste à reporter la surcharge au-dessous du
niveau des carrières au moyen de puits ou de pieux. Il faut
évidemment vérifier qu'il n'y a pas d'autres niveaux
exploités sous la pointe des pieux de fondation.
Il y a nécessité de ceinturage des pieux ou de
chemisage, à la traversée de la cavité.
On notera que la réalisation de fondations profondes
n'empêche pas la remontée des fontis, avec les
conséquences évidentes : danger aux abords de la
construction, désordres dans les caves et les sous-sols,
possibilités de frottement négatif ou d'efforts
horizontaux sur les pieux qui doivent être armés,
On pourra donc jumeler cette solution avec un remplissage ou des
renforcements ponctuels.
L'objectif est de limiter les risques de rupture et en particulier
d'éviter les fuites d'eau qui peuvent accélérer
le processus de dégradation d'une cavité.
On procédera soit par renforcement, soit en utilisant des
raccords souples et déformables.
Le renforcement de la structure de chaussée par des nappes
de géotextiles réduit la déformation et donc
limite le risque d'accident, mais n'évite pas certains
désordres.
Cette méthode est utilisée lorsque les vides sont
soupçonnés mais non identifiés et
localisés.
Le foudroyage est un procédé courant dans les
mines.
Pour les carrières, il se révèle bien
adapté lorsqu'il est prévu dès l'exploitation
(géométrie régulière des piliers
notamment) : c'est l'affaissement dirigé.
Même dans ce cas là, il peut subsister quelques vides
résiduels. Par ailleurs le sol est très remanié
et le terrain n'est pas considéré comme constructible.
L'utilisation en espaces verts, en revanche, est tout à fait
possible.
Dans le cas de carrières accessibles, mais non conçues
à l'origine pour cette technique, la prudence s'impose et dans
la plupart des cas un traitement des vides résiduels sera
nécessaire. Pour les carrières non accessibles, le
résultat est trop aléatoire.
La technique consiste à mettre à jour la
cavité par terrassement et de procéder à un
remblaiement avec compactage.
C'est une solution possible lorsque la carrière est à
faible profondeur.
Parmi les différentes techniques de prévention
disponibles, le choix d'une solution sera guidé par un certain
nombre de données, regroupées ci-dessous en cinq
familles, pour lesquelles les principales questions à se poser
sont présentées.
Il faut insister sur le fait qu'une bonne reconnaissance des terrains
et des vides est une condition indispensable pour que le
géotechnicien puisse utilement contribuer au choix optimal.
On n'insistera pas sur le problème du coût, si ce n'est pour souligner que la plupart des solutions de mise en sécurité d'une maison individuelle sont trop onéreuses pour pouvoir être acceptées et mises en oeuvre. La seul reconnaissance par forage (deux forages à 30 m de profondeur par exemple) est bien souvent trop lourde à supporter pour un propriétaire individuel.
Le choix d'une solution ou d'une stratégie de mise en
sécurité, on le voit, est du ressort d'un homme de
l'art qui devra tenir compte, dans ses propositions, des objectifs et
des contraintes énoncées par le propriétaire des
lieux (Maître d'Ouvrage). Le projet final d'aménagement,
quant à lui, pourra utilement tenir compte des contraintes et
des ressources du site, telles qu'elles apparaîtront à
l'issue des opérations de reconnaissance.
Le projet d'aménagement et de mise en sécurité
d'un secteur sous-miné par d'anciennes carrières
souterraines passe donc en général par plusieurs phases
interactives entre aménageur et géotechnicien.
La remarque d'ordre financier, présentée ci-dessus
à l'échelle d'un particulier, s'applique
également à l'échelle d'une
propriété foncière plus importante, voire d'une
commune. La qualité du diagnostic et l'analyse du risque
revêtent alors toute leur importance.
Un diagnostic fiable associé à une procédure de
surveillance du site constitue, vis-à-vis d'un risque naturel,
une stratégie d'attente intéressante : les mesures
apportant une solution ne sont pas prises immédiatement, mais
reportées en fonction du risque.
C'est la procédure qui permet d'échelonner et de
planifier le coût des travaux et de gérer ainsi au mieux
l'aléa que constituent les carrières souterraines
abandonnées.