Histoire des ossuaires souterrains
Au
départ, des problèmes de surpeuplement des cimetières parisiens
qui engendrent d'importants phénomènes d'insalubrité
Le cimetière des Innocents, en lieu et
place du Forum des Halles actuel, était le plus grand cimetière
de Paris, et ce depuis plus de trente générations. Il était
composé en son centre du cimetière proprement dit avec ses tombes
et ses fosses communes ; sa périphérie était faîte
de bâtiments à arcades, les charniers. Mais dès 1554 des
médecins de la faculté avaient été désignés
à la suite de protestations de riverains pour réclamer la suppression
de celui-ci. L'effroyable odeur qui s'en dégageait envahissait progressivement
les habitations proximales. Particuliers et autorités ecclésiastiques
se plaignaient de plus en plus.
Ce n'est cependant qu'à partir de la fin du XVIIè siècle
que les plaintes croissent en nombre et en intensité, suivant en cela
l'augmentation de la pestilence.
Dès
le début du XVIIIè siècle, les inconvénients créés
par les inhumations dans les églises, ou dans les cimetières surencombrés,
rendirent nécessaire la création de nécropoles publiques.
De nouvelles plaintes, de plus en plus nombreuses, s'exprimèrent en 1724,
1725, 1734 et 1755. Des protestations concernant d'autres cimetières
dont les églises et les charniers débordaient également,
exprimèrent le mécontentement de la majorité des parisiens.
Une fois de plus un fait nouveau fit évoluer la situation. Un incident
spectaculaire se produisit à point nommé : le 30 mai 1780, rue
de la Lingerie, à la limite sud du cimetière des Innocents, le
mur d'une cave de deux étages céda et des centaines de corps envahirent
le local dans une atmosphère pétride, intoxiquant les habitants
de la maison, tandis que les murs des caves voisines se fissurèrent.
La paroi latérale d'une fosse commune de plus de 15 mètres de
profondeur, ouverte quelque six mois plus tôt et destinée à
reçevoir mille huit cent corps, n'avait pu resister à la pression.
Le scandale fut tel que le 4 septembre de la même années, le Parlement,
après enquête, ordonna la fermeture du cimetière des Innocents
et l'interdiction des inhumations à partir du 1er décembre. Le
rapport de Cadet de Vaux du 30 mai 1780 avait également fait état
d'incidents graves : un habitant de la rue de la Lingerie descendant dasn sa
cave s'était vu éteindre sa flamme de lumière par les exhalations
émanant de la fosse commune mitoyenne ; des cas d'intoxications avec
vomissements ainsi que d'intoxications cutanées touchaient certains propriétaires
de caves adjacentes.
On décida quand même de laisser le cimetère des Innocents
reposer pendant 5 ans avant de transférer les débris mortuaires
de trente générations de parisiens.
Cette opération, qui apparaîtra comme un succès, s'étendit
progressivement de 1787 à 1814 à la majorité des cimetières
intramuros amenant en outre la destruction des charniers. Les charniers avaient
été inventés pour faire face au manque de place dans les
cimetières ; on entreposait les corps par milliers sous les toit et au
dessus d'arcades passantes.
Cependant beaucoup d'églises conservèrent des vestiges mortuaires
sous leurs dallages et, parfois, dans leur combles.
Les inhumations ayant été arrêtées, la vie du quartier
des Saints-Innocents reprit un cours plus paisible, mais les maisons riveraines
continuèrent à déverser leurs ordures dans le cimetière.
La fermeture des Innocents accrut la clientèle des autres cimetières,
comme par exemple celui de l'église Saint-Laurent, qui ne ferma qu'en
1797.
Des habitudes prises depuis plusieurs siècles ne peuvent disparaître
en quelques années et les inhumations désormais interdites dans
les anciens cimetières persistent parfois -par exemple au cimetière
de l'église Saint-Bernard où on continua clandestinement à
inhumer jusqu'en 1795-.
Quelques protestations contre les transferts s'élevèrent cependant.
En 1785, le cimetière et la plus grande partie des charniers furent démolis
et les pierres vendues sur place pour la continuation des travaux du Louvre.
Changé en marché aux légumes à partir de 1788, l'emplacement
du cimetière des Saints-Innocents entre dans une époque calme
de son histoire. Et ce n'est que près de deux siècles plus tard
que les bulldozers, bouleversant le terrain du futur Forum des Halles, ramèneront
des sarcophages mérovingiens, peut-être les derniers de la vieille
nécropole.
Il
faut "vider" les cimetières parisiens dans de vastes espaces
discrets : l'idée d'utiliser les grands vides sous Paris née.
L'idée initiale d'utiliser les carrières de Paris comme ossuaire
revient au lieutenant de police Lenoir qui avait oeuvré pour la destruction
du cimetère des Innocents, mais c'est son successeur, Thiroux de Crosne,
qui en fit accepter le principe.
Un premier choix s'était porté sous les carrières souterraines
dites de "La Fosse aux Lions", situées sous l'actuelles rue
Cabanis et Ferrus.
Cependant, après avis de l'Inspecteur général des carrières,
Guillaumot, le Conseil du Roi choisit un ensemble d'anciennes carrières
dans de vastes carrières de pierre à bâtir à piliers
tournés, situées sous le plateau de Montsouris, au lieu dit de
la Tombe Issoire (au sud de l'actuelle place Denfert Rochereau).
On aménagea de façon assez sommaire une surface totale de 11 000
m2. Un puits maçonné destiné au déversement des
ossements, situé au 21 bis de l'avenue du Parc-Montsouris (actuelle avenue
René Coty), et un ancien escalier en colimaçon de 90 marches d'une
hauteur de 19 mètres, furent utilisés. Dans le puits pendait une
chaîne que l'on remuait pour éviter les entassements et les blocages.
L'ensemble de l'Ossuaire situé dans un quadrilatère délimité
par les rues Dareau, d'Alembert, Hallé et l'avenue du Parc-Montsouris,
ne représente que 1/700è des carrières souterraines de
Paris. D'abord restaurées et aménagées par Héricart
de Thury, puis en 1810 et 1811 par le comte Frochot, premier Préfet du
département de la Seine, les Catacombes seront modifiées pour
permettre des visites publiques. Sous le Premier Empire, elles seront isolées
du reste des carrières et le déblaiement des galeries surencombrées
nécessitera parfois l'aménagement de nouveaux passages dans les
masses d'ossements de plus de 30 mètres d'épaisseur. L'ensemble
sera pratiquement terminé en 1809.
Le
transfert aux Catacombes
Le
7 avril 1786, sous la conduite de Guillaumot et d'architectes, les abbés
Mottret, Maillet et Asseline consacrent ce qui sera désormais les Catacombes
de la Tombe Issoire. Le même jour commence le transfert des ossements
du cimetière des Innocents et ceux du cimetière voisin de Saint-Eustache.
Ce cortège funèbre formé de chars recouverts d'un drap
mortuaire, accompagnés de prêtres en surplis chantant l'office
des Morts se renouvellera chaque soir au déclin du jour pendant quinze
mois, sauf durant les chaleurs d'été.
Les ossements retirés de la couche supérieure du cimetière
et des charniers des Innocents -5 des 8 pieds qui surplombait les rues environnantes-
remplirent plusieurs milliers de tombereaux soit un total de 10 000 m3. On en
enleva encore en 1786, 1787, 1788, 1809, 1811, 1842, 1844, 1846, 1859, 1860,
et bien d'autres par la suite.
Au fur et à mesure de la suppression des cimetières parisiens,
puis à chaque fois que des travaux d'urbanismes étaient entrepris,
les ossements découverts furent transportés aux Catacombes avec
un cérémonial très simplifié.