Le
17 décembre 1774 se produisit rue d'Enfer, à la hauteur de l'actuel boulevard
Saint-Michel, un impressionnant effondrement. Paris et sa population découvrait
et s'alarmait du danger qui gisait sous ses pieds.
Le 15 septembre 1776 le Conseil du Roi donne commission au professeur Dupont
une étude de l'état et de l'étendue des vides menaçant la stabilité des voies
publiques. Ses conclusions furent si alarmantes qu'un projet visant à créer
une institution destiné à dresser une urgente cartographie du sous-sol paririen
fut mis à l'étude.
Ce même Conseil du Roi s'étant fait communiquer les études des architectes Guillaumot
et Brebion sur les carrières souterraines menaçant les substructions de l'aqueduc
d'Arcueil décida la création de l'Inspection des Carrières, par un arrêté dâté
du 4 avril 1777.
Par commission du 27 avril 1777, M. Guillaumot, architecte du Roi, fut nommé
au poste de contrôleur et inspecteur général en chef des Carrières. Signe du
destin, une nouvelle maison s'effondra le jour même dans les carrières de la
rue d'Enfer !
Les missions de l'I.G. sont alors de répertorier et consolider les carrières
parisiennes. Pour parer au plus pressé 2 équipes sont crées : une première explore
et creuse des galeries à la recherche d'anciens vides oubliés ; une seconde
consolide ceux en mauvais état. A peine un vide est-il repéré qu'on le cartographie
et le consolide. Les plans des travaux de consolidation sont mis bout à bout
et des cartes d'ensemble dressées. Lentement une véritable doublure souterraine
de la ville se dessine, avec ses rues, ses barrières, ses limites de propriétés.
Se basant sur la vieille loi édictant que tout propriétaire d'un terrain l'est
aussi de son sous-sol, l'I.G. se cantonne rapidement à la consolidation des
vides sous voie publique. Sous chaque rue, des galeries de recherche et d'inspection
sont aménagées à travers les bourrages des anciennes carrières, voire même creusées
dans la masse. De chaque côté de ces galeries, les carrières dangereuses seront
remblayées par des déchets d'exploitation et/ou des terres rapportées. Seules
les carrières encore stables ou susceptibles d'être facilement réutilisables
seront laissées en état.
Aujourd'hui, c'est 250 km de galeries qui passent sous les rues et boulevards
parisiens. Pour accéder à celles-ci, l'IGC avait aménagées 276 entrées par puits
et escaliers. Un faible nombre est aujourd'hui conservé pour les services de
la Ville.
De ces galeries principalement destinées à l'inspection des vides, de multiples
couloirs partent à la rencontre d'anciennes carrières dont les vastes salles
non remblayées furent parfois, voire rubrique réutilisations diverses,
réutilisées aux fins les plus diverses.
Un système d'inscriptions gravées ou peintes sur les massifs de maçonnerie établit
l'ordre des consolidations (première, deuxième, troisième... consolidation de
l'année), la dâte des travaux, l'auteur (par initiale de l'ingénieur responsable).
Dans chaque galerie située sous la voie publique, des plaques gravées dans la
pierre indiquent, dès le XVIIIè siècle, le nom de la rue en surface et l'orientation
de la galerie.
Les équipes de l'IGC vont, durant plus de 200 ans faire des
carrières souterraines un des ensembles architecturaux les plus importants de
France. Guillaumot, possédant déjà une expérience de consolidation de vides
souterrains dans la région de Fécamp, pose les principes fondamentaux des opérations
de confortation.
La création de l'IGC sonna la fin de l'exploitation des carrières
souterraines à Paris. Après un an et demi de fonctionnement, on
reprocha à Guillaumot ses travaux trops coûteux et surtout pas
toujours situés sous les voies royales. Ainsi, dès 1779, Guillaumot
inaugura t'il un système de confortation répondant à un
vrai plan d'urbanisme souterrain. Il fallait dorénavant ne plus se contenter
des cavités connues ou trouvées, mais partir méthodiquement
à la recherche du domaine souterrain des rues du domaine royal. On ne
se déplaçait plus par les galeries sinueuses héritées
des carriers, mais on établissait des voies publiques souterraines, sous
celles de surface. Afin de délimiter l'espace public en profondeur, l'IGC
foncait 2 galeries parallèles courant à la verticale des façades
des maisons. Ainsi les propriétaires privés, responsables des
confortations sous leur bâtiments, auraient-ils accès à
leur terrains sous-minés. Ces galerie principales étaient réunies
par des galeries transversales. L'espace intermédiaire était soigneusement
comblé. Des plaques de rues indiquaient le nom de chaque galerie correspondant
au nom de la rue de surface suivie de son orientation ("couchant"
pour "ouest", "levant" pour "est", "midi"
pour "sud").
Lorsque le tracé des galeries de service atteignait le front de taille
des exploitations, Guillaumot eut l'idée de percer à même
la masse de pierre inexploitée. Ainsi d'autres carrières furent
trouvées derrière les masses de pierre restées en place.
Dès les premiers mois d'activité, Guillaumot distribua le travail
selon trois branches : la première "Fouilles et terrasses"
perçait les remblais d'exploitation afin de tracer les galeries de service
sous chaque côté de rue (pour le percement de la masse calcaire
il était fait appel à des ouvriers carriers extérieurs)
; la deuxième branche, celle des "Maçonneries", construisait
les piliers de confortation ; enfin, la troisième branche était
chargée de lever les plans à l'échelle 1/216ème.
Seuls les ouvriers n'appartenaient pas à l'IGC mais à des sociétés
privées extérieures. En 1810, considérant que l'entreprise
était toujours la même, on établit de fait les ouvriers
comme personnel de l'Administration.
Géographiquement le travail était organisé par ateliers.
Entre 1779 et 1800 trouvait on à l'intérieur de Paris : atelier
du Muséum, du Faubourg Saint-Marceau, de la rue Saint-Jacques et du Val
de Grâce, de Saint-Germain, de la rue d'Enfer, des Chartreux,...On trouvait
également des ateliers à l'extérieur de Paris comme celui
de l'acqueduc d'Arcueil.
Les galeries de service une fois tracées et percées dans les remblais,
étaient bordées de long piliers de maçonnerie soutenant
le ciel de carrière. Elle portait un numéro d'ordre dans l'atelier,
l'initiale de l'inspecteur général et l'année de construction.
L'habitude de la la lettre initiale est restée jusqu'au début
du XXème siècle.
Ces inscriptions racontent aussi l'histoire des carrières. En 1791, à
la suite d'un histoire avec un ouvrier jaloux, Guillaumot fut relégué
à la surveillance des travaux en banlieue et remplacé par l'Inspecteur
Duchemin. Ce dernier signalait ses travaux par la lettre D. Puis en 1792 ce
fut Demoustier, signat du chiffre 2. De 1793 à 1795 ce fut l'ingénieur
Bralle ; il signait B. Vers 1796, guillaumot revint aux affaires jusqu'en 1807,
date de sa mort. A la suite, ce fut une commission de 3 ingénieurs qui
exécutèrent les travaux de 1808 et 1809.
Mais la révolution marqua aussi les carrières. La déchristianisation
fit perdre le mot "saint" au noms de rues concernées. Par la
suite l'abréviation "ST" fut regravée ou ajoutée.
Les numéros de maison avec fleur de lys ont été suprimés
ou bûchés. De même le calendrier révolutionnaire fut
adopté pour dater les piliers, ce de 1793 à 1805. Ainsi l'année
1805 en calendrier grégorien était elle en calendrier républicain
"an XIV".
Sous le Premier Empire des rues nouvelles furent percées. L'Inspection
réalisa les recherches et confortations au cours même de ces percements.
Ainsi la rue d'Assas, baptisée alors RUE DE L'OUEST fut ouverte en 1809.
Les recherches furent cette même année menées dans les anciennes
carrières des Chartreux. Mais l'essentiel de la rue repose sur une masse
de calcaire non exploitée que les ingénieurs durent sonder par
galeries sur parfois 400 m de long, ce qui demanda 10 ans de travaux.
En 1809, ce fut Louis Héricart de Thury qui fut nommé à
la tête du service des carrières. Il conserva et amplifia avec
zèle l'organisation des travaux de son prédécesseur. C'est
à cette époque que les conducteurs de travaux ou chefs d'ateliers
construisirent les Cabinets minéralogiques. Dans le même temps
ils établirent les puits à eau, escalier d'accès à
la nappe phréatique, et placèrent des mirent graduées pour
mesurer le battement de la nappe phréatique. L'exécution des galeries
était très soignée.
En 1830, c'est l'ingénieur Trémery qui succèda. Il porta
le soin des travaux à son plus haut degré de perfection.
Son successeur en 1845, l'ingénieur des Mines Junker modifia le système
des confortations en supprimant le système des doubles galeries trop
coûteux. Une simple galerie était percée qui soutenait l'égout
construit dans le même temps. Ce système dura jusqu'au XXème
siècle.
Apès 1870, on ne construisit plus de galeries de service, mais une file
de piliers à partir d'une galerie ouverte dans les bourrages et remblayées
au fur et à mesure de l'exécution des travaux.
L'une des plus grandes oeuvres de confortation a été sous les
réservoirs de le Vanne dans le 14ème arrondissement, entre 1868
et 1874, avec la construction de plus de 2000 piliers dans les carrières,
exactement à l'aplomb de ceux des réservoirs.
La technique des galeries de service connut une dernière mise en oeuvre
spectaculaire avec la construction du métropolitain. Dès 1903,
avec la construction des lignes 2, 4 et 5, des travaux importants furent entrepris.
Les dernières confortations viennent d'être achevées avec
le toute nouvelle ligne 14 dite Météor. Le souterrain sous la
rue de Tolbiac passe sous les carrières.